« Adorable salon de thé parisien aux murs couverts de livres variés. Idéal pour venir bouquiner seule en dégustant un thé fin… » (Lu sur une affiche)
Ayant enfin compris
Que plaisir de la table
Et plaisir de l’esprit
Sont en tous points semblables,
On voit les pâtissiers
Se muer en libraires
Et les salons de thé
En cafés littéraires.
Mais les mets qu’on nous sert
A ces tables exquises,
Ne sont que miel, desserts,
Douceurs et mignardises.
Que diable n’y sert-on
Morbleu, de la caillette,
Du pâté, du jambon,
Et de la tartiflette ?
Que n’y boit-on du vin,
Au lieu de ces tisanes,
Infusions et thés fins,
Et autres valérianes ?
Foin itou des romans
Qui en ces lieux se lisent :
On les lit en gourmands,
Comme des friandises.
Ils ne sauraient nourrir
L’âme simple et rustique
Dont l’unique plaisir
Gît dans l’herméneutique.
On n’est pas des ingrats !
On veut de l’os-à-möelle :
Des livres bons et gras
Ecrits sur forte toile.
Il nous faut du Platon,
Du Plotin, du Plutarque,
Du Rabelais, crénom !
Ainsi que du Pétrarque.
Peu nous chaut le Goncourt !
La rentrée littéraire,
Ses livres de concours,
Nous n’en avons que faire.
Mais j’ai d’autres raisons
Pour fuir les gâteries
Qu’on sert dans ces salons
Et dans leurs galeries.
C’est qu’on y interdit
L’accès au pauvre type
Qui vient en érudit
Pour y fumer sa pipe.
On y proscrit aussi
De fumer le cigare !
Je préfère à ce prix
Lire du « hall de gare ».
Car comment, dites-moi,
Sonder une pensée
Et méditer son poids,
Sans faire de fumée ?
Pour toutes ces raisons,
Et pour d’autres encore,
Je dis ma conviction,
(N’en déplaise aux pécores)
Que le meilleur endroit
Pour lire de bons livres,
C’est encore chez soi :
Au moins, on sait y vivre.
Jaufré Cantolys